JEAN BRANCHET « LIGNES DE VIE ».


Derrière la ferme d'hier, l'ancienne grange a laissé place à l'atelier. La mousse a gagné la margelle du vieux puits, mais l'ancienne « gargote », tout près du four à pain, semble attendre la prochaine lessive hebdomadaire. C'est là, entre Savenay et Plessé, au coeur d'une campagne atlantique où l'or des genêts ne tarde jamais à remplacer celui des narcisses, que Jean Branchet sacrifie à l'art contemporain.

Cette passion, celle de toute une vie, partagée avec Jeannette, son épouse, Jean Branchet a longtemps eu quelques scrupules à l'exposer. Ce n'est pas de la fréquentation d'artistes, à Toulouse puis à Paris, que lui est ve

nue l'irrépressible envie de peindre et de sculpter. Ce sont des « chocs » successifs - court-métrage consacré à Picasso, puis la découverte de Kandinsky, dans les années 50 - qui lui ont imposé la certitude qu'il lui fallait, lui aussi, s'exprimer sur une toile.

« Tout est sculpture »

« C'est un itinéraire que je souhaite présenter. Je me suis longtemps méfié du géométrisme. Il me semblait trop évident, trop facile? » Alors, avant de parvenir à trouver ce subtil équilibre qui joue de superpositions géométriques, et de découvrir les perspectives offertes désormais par l'informatique (au point d'illustrer un catalogue d'originales « ordigraphies »), Jean Branchet a cheminé sur des chemins plus « classiques » de l'expression picturale, imprimant à la toile les sentiments suscités par un visage ou un paysage. C'est itinéraire buissonnier commence, pour cette exposition, en 1996.

« L'oeuvre naît aussi bien dans un avion que dans une chambre d'hôtel, au fil du temps et des voyages? » L'artiste a ainsi rempli quelques carnets de croquis, multipliant les séries de dessins géométriques. « Il n'y a rien de réfléchi dans ces dessins . C'est ensuite que vient la réflexion, la recherche d'une géométrie inconsciente et la transfert de l'idée dur toile? Lorsque j'en suis à la couleur, il ne s'agit plus guère que d'un travail artisanal ».

L'oeuvre ainsi se structure, se modifie et prend forme, puis une tonalité générale, le plus souvent chaude, finit par s'imposer. Qu'il s'agisse de sculptures monumentales, d'acryliques sur toile ou sur panneau, ou encore sur plastique, Jean Branchet revendique la cohérence d'une oeuvre où « tout est relief ».

« En appeler à la curiosité »

« Il ne faut pas demander à ma peinture ce que je ne lui donne pas? », a déclaré, un jour, James Guitet. Jean Branchet reprendrait volontiers à son compte la formule de ce compagnon de route. « Je n'ai pas d'idée préalable », note-t-il d'entrée. Il ne revendique rien d'autre qu'une structure peinte, aussi équilibrée, aussi plastique que possible, tirant son existence, sa présence que d'elle-même ».

Pas d'idée préalable, donc pas d'identité déterminée, non plus. C'est ainsi que l'artiste puise souvent dans la mythologie, ou dans la géographie, l'inspiration pour « baptiser » ses oeuvres. Ce peut être une pièce de théâtre (« Perséphone était présentée à Onyx et ce fut un vrai bonheur ») qui lui impose ses propres références : Déméter et Hadès reprennent alors des couleurs.

Avec Jean Branchet, l'art est affaire de convergence (facilité circonstancielle, certes, référence à la galerie de la rue Jean-Jaurès, mais également forte de sens, comme on dit aujourd'hui). Le Bras, Rautenstrauch, Saint-Cricq, Nitkowski, Christoforou, Guitet et beaucoup d'autres ont croisé son chemin. Grâce à lui (et à d'autres, bien sûr), ces peintres ont croisé le regard du public. C'est à ce même regard que Jean Branchet s'expose. En quête, non pas d'une reconnaissance personnelle, mais d'une rencontre et d'une émotion partagée.

Bernard Lahaye (TALENTS 44 - n°25/avril 1998)