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Jean BRANCHET
Les équivalences heureuses
Derrière chaque souvenir, il y a une menace et une joie. Derrière chaque paysage, une destruction et un enchantement. Derrière chaque mythe, un arrachement et un acte qu'il nous faut revisiter. Derrière chaque image, le risque reste grand. Les œuvres que nous offre Jean Branchet semblent habiter des territoires inédits, paradoxaux. Identifier ces territoires, c'est d'emblée reconnaître l'extrême fraîcheur dont ils n'ont de cesse de se départir. Avec une absolue rigueur, l'œuvre se déploie aujourd'hui sans feinte, elle diffuse un air de liberté rare, dense, généreux. Sur l'échiquier de l'art, on ne compte les points que tendu vers une indépendance qui ne peut être relative. Cette indépendance, Jean Branchet l'a longtemps cultivée, je soupçonnerais qu'il l'a parfois choyée, parfois détestée. Car, hors des regards, l'œuvre n'a pas d'existence.
Au départ le tableau. Et l'espace qu'il ouvre et qui ira s'intensifiant vers la couleur pure. Aplats monochromes se juxtaposant, se frôlant, couleurs franches construisant des architectures inconnues, croisements de signes géométriques. Des bleus, des rouges, mais aussi des blancs et des noirs. Le tableau, dans son apparente simplicité, provoque dans l'œil des parcours mentaux qui viennent bientôt résonner comme autant d'échappées visuelles et sonores. En effet, la musique, première passion de Jean Branchet qui avoue avoir hésité entre elle et la peinture, se retrouve-t-elle aujourd'hui au cœur de ses préoccupations plastiques, comme au travers de ses "ordigraphies" ou "spaciographies", réalisations effectuées à l'aide de l'ordinateur qui conjuguent formes animées et mouvements sonores, équivalences heureuses et complexes où la couleur contenue dans un cercle se trouve en écho à une musique nocturne ou répétitive. Un triangle bleu frémit dans le noir.
La sculpture prolonge cette exigence du regard à vouloir tourner autour d'un objet. Là c'est la lumière qui se charge de dessiner les traits comme dans la série des reliefs où l'ombre dépèce l'espace. Ailleurs, seront nés des volumes totémiques, simples et impressionnants à la fois. Guerriers que la géométrie a habillé de blanc, de noir, et qu'une saignée traverse intensément. Où se déplacent les frontières, c'est aux limites du visible que nous nous confrontons alors, Jean Branchet le sait, c'est pourquoi il n'a cure de nous imposer une lecture, seulement un titre parfois qui pointe d'un doigt rêveur un lieu aimé: Samarcande.
Le Ring
2001
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