Qu'est-ce qui fait que l'oeuvre d'un homme puisse rester dans le silence si longtemps? Jean Branchet doit à une découverte surprise, par le peintre italien Bozzolini, en 1992, une première exposition. Il s'agit du Salon des Réalités Nouvelles! Il a alors cinquante-huit ans. IL est intronisé dans la salle de "son école": l'abstraction géométrique.
Kandinsky, ayant pr
écisé que "ce qui importe dans la forme, c'est de savoir si elle est issue de la nécessité intérieure ou non", disons de Jean Branchet, que de cela, il est plus compagnon des artistes abstraits géométriques émotifs, comme Delaunay ou Severini, que des trop minimalistes comme Mondrian ou Malevitch. Ce qui fait la particularité de son travail tout d'équilibre c'est qu'il recherche dans la juxtaposition des plans, une forme d'architecture introduisant reliefs et espaces, mais toujours en à-plats. Son oeuvre, qui a un certain côté baroque, se prolonge alors logiquement ces dernières années, vers le collage relief et la sculpture.
Jean Branchet qui sait, en effet, parfaitement organiser les droites et les arcs de cercle, a le goût de l'inattendu. Il introduit dans son oeuvre des éléments qui apportent une densité de surcharge qu'il maîtrise par la couleur. Aux trois couleurs primaires peu utilisées seules, Jean Branchet ajoute les couleurs complémentaires sans le vert: "c'est dur, précise-t-il, de lutter contre la nature". Des bruns, des rouges vibrants et forts, et des gris, toute une gamme de gris, s'interposent entre les noirs qui soulignent et les blancs qui éclairent. Chaque toile est travaillée avec six à huit couleurs unies. La lumière est captée par les rapprochements et les dégradés de tons.
Les collages et les sculptures, paradoxalement, reviennent à plus de rigueur dans le choix des lignes, et surtout des couleurs. Ils s'organisent, en revanche, autour de systèmes. Les éléments enlevés d'un plan trouvent naturellement leur place dans un autre plan, en un équilibre harmonieux.
Michel Seuphor a écrit que "pour être abstrait, il suffit de s'inventer soi-même. S'inventer: se trouver."
Jean-Pierre Nuaud (revue 303 XLIV - 1995)