JEAN BRANCHET
L'art abstrait construit n'est pas forcément morose, répétitif et en apparence déshumanisé. Au-delà de sa rigueur simplificatrice, de l'exactitude de ses proportions, de son aspiration naturelle à la monumentalité, il peut s'avérer allègre et coloré, sonore et scandé, intuitif et réfléchi tout en gardan
t sa pondération et sa sévérité de base.
C'est le cas dans l'oeuvre de Jean Branchet, qui allie l'austérité très élaborée des structures à des agencements de formes parfois hachurées et décalées, nappées de coloris solaires. Sur ces espaces alternativement disposés comme des croix, des triangles, des rectangles ou des carrés, des arêtes indiscrètes déchirent le champ, des sphères s'ordonnent et se répondent, des bandes récurrentes, verticales ou horizontales, dilatées ou amincies, accompagnent des formes tubulaires attenantes, en tranchant sur la monochromie des fonds. Aucun désordre ne vient altérer l'enchaînement syncopé des plans, le calibrage étagé des unités, la densité des échanges, sur lesquels s'immisce une luminosité étale et changeante. En outre, le jeu des valeurs plaquées en perspective frontale, leurs glissements harmonieux et leurs interférences confèrent à ces ensembles quelque chose de ludique, à l'égal d'un puzzle où tout semble à redéfinir, alors que les éléments parfaitement en place possèdent leur propre logique. Quant au dessin, qui délimite avec précision les surfaces, il héberge la couleur en cristallisant les tensions.
Jean Branchet fait volontiers allusion à une symphonie lorsqu'il parle de son oeuvre, et il ne laisse planer aucun doute sur la musicalité qu'elle lui inspire et le coefficient émotionnel dont elle est investie. "La construction se réalise en fonction de l'intention du moment", ajoute-t-il.
Enfin, si la couleur c'est la vie, l'itinéraire de Jean Branchet participe d'évidence de cet influx tonique, toujours entre l'ordre et le sensible.
Gérard Xuriguera (DEMEURES & CHÂTEAUX n° 111 Janvier 1999)