LES HARMONIQUES DE JEAN BRANCHET
A 61 ans, Jean Branchet fait sa première exposition. Dans sa propre galerie, Convergence. Pas un coup de tête, encore moins une fantaisie, mais le choix assumé d'un artiste authentique qui, jusqu'ici, s'était contenté du secret
de son atelier, quelque part dans la campagne nantaise. Sourire un peu inquiet: "Alors que j'en ai effectué plus de deux cents pour les autres, je vis l'angoisse de l'accrochage. Est-ce que ça tient ensemble, tout ça? Je crois que oui."
Tout ça? Une vingtaine de peintures et six sculptures résolument géométriques, couvrant treize années de travail. Un jeu de cercles, de verticales, d'horizontales, de diagonales, décliné en vibrations colorées, comme autant de savantes et subtiles harmoniques musicales. Pas anodine, ici, la musique. A l'exception des moments où il dessine sur la toile, Jean Branchet, qui pratiqua autrefois "assez sérieusement" la guitare classique, peint toujours en écoutant quelque chose: du classique, bien sûr, mais aussi le Grand Bleu, les Beattles, Deep Purple, Pink Floyd, les Rolling Stones, Dylan! Ou encore Steve Reich, dont il dit: "Ca a été le choc. J'ai trouvé chez lui des correspondances avec ce que j'aurais voulu faire comme compositeur."
DU ROUGE SUR STRAVINSKY
Les yeux de Jean Branchet pétillent derrière ses lunettes: "Bien sûr que ce que j'écoute influe sur ce que je peins. Sur Stravinsky, je mets du rouge! sur Bach, j'ai fait des grandes toiles où il n'y que du blanc et du noir très structuré, avec quelques taches rouges ou bleues." Avec les tons chauds, le blanc, le noir et le gris sont d'ailleurs ses couleurs préférées: "J'utilise très peu les jaunes et les verts. On ne tient pas le coup par rapport au vert de la nature!"
Cette exposition ne devrait pas être la dernière de Jean Branchet. antérieurement au "géométrisme" qu'il cultive depuis 1980 ("J'y pensais depuis longtemps, mais je n'osais pas y aller car je trouvais ça trop évident. Il fallait une maturité"), il a vécu à fond plusieurs périodes: celle des "villes" futuristes, "vues de haut, dans une atmosphère surréelle, peintes avec une large gamme de couleurs et un jeu de perspectives accusées"; celle des "totems", compositions asymétriques et hiératiques influencées de sculptures et de masques africains.
Jean Théfaine (OUEST-FRANCE 4-5 mars 1995)