QUELQUES SOUVENIRS AUTOUR DE JORJ MORIN



" Fin 1968 nous nous installions à Nantes, mon épouse Jeannette, mes enfants et moi. L’opportunité d’un emploi nous avait fait quitter la capitale pour le grand port de l’ouest et nous y demeurons toujours.

Peu de temps après notre arrivée, Jeannette, au retour d’un parcours en ville, me dit avoir vu une exposition intéressante de gravures organisée par une galerie, rue Lafayette, et me conseilla d’aller la voir. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de Mademoiselle Marot, directrice de la galerie Michel Columb, et du créateur des gravures, Jorj Morin. Devenus des assidus des vernissages nous avons rencontré les familiers de la galerie, entre autres les artistes Louis Ferrand, Michel Nourry, Henry Leray, Marc Lepetit, Jean Billecocq, les poètes Yves Cosson et Norbert Lelubre, le président des amis du Musée des Beaux-Arts, Julien Lanoë, sans oublier Claude Souviron le conservateur du Musée et Vincent Rousseau.

Jorj Morin était un des éléments fédérateurs de ce milieu nantais réunis autour de l’art. Pendant des années il avait animé avec d’autres artistes, en particulier Louis Ferrand, la vie artistique de la ville organisant expositions, conférences, débats. Il était membre du bureau de l’association des Amis du Musée et du groupe de peintres nantais Archipel. Il a été à l’origine de la proposition que m’a faite Julien Lanoë d’intégrer le bureau des Amis du Musée, très nantais alors, bien que nouvel arrivant dans la cité.

Autre proposition, Jean Billecocq, secrétaire d’Archipel m’a demandé d’en devenir le président, ce que j’ai accepté immédiatement.

Ce groupe rassemblait la plupart des artistes de la Galerie Michel Columb. Nous nous réunissions périodiquement dans une salle d’un café discutant des possibilités d’expositions, du choix de nouvelles recrues et, bien sûr, des événements artistiques de l’époque. Avec Jean-Marc Ducoudray, autre membre « non peintre » d’Archipel, nous nous sommes associés afin d’apporter notre contribution prenant en charge l’édition de plaquettes consacrées à chaque artiste. « Champs carrés » est celle réalisée pour et par Jorj Morin.

En 1973 Jorj Morin m’a initié à la gravure à l’eau-forte, me donnant conseils et me permettant d’utiliser sa presse pour tirer mes essais. Jusqu’en 1977 certains samedis matins je me rendais chez lui, rue François Bruneau, pour tirer les plaques gravées au cours des semaines précédentes. Toujours bienveillant, discret, mais attentif à ce que je faisais, il poursuivait la réalisation de mosaïques, ou d’emboîtages de carton dans lesquels il plaçait gravures et dessins bien précautionneusement. Madame Morin apparaissait de temps en temps, proposant petit déjeuner ou autres « douceurs » de sa confection.

En 1975, mon épouse et moi avons ouvert la galerie « Convergence » rue Jean Jaurès. Afin de ne pas être juge et partie je donnais ma démission du bureau des Amis du Musée et de président d’Archipel .

En 1980 la Galerie Michel Columb ayant fermé nous avons proposé à Jorj Morin d’organiser dans notre espace des expositions de ses œuvres. Nous l’avons ainsi régulièrement présenté jusqu’à la fermeture de la galerie en 2000.

Périodiquement nous allions lui rendre visite à La Possonnière, au bord de la Loire, dans la maison familiale où il logeait depuis son départ de Nantes. Demeure chaleureuse, agréable. Jorj Morin toujours aussi accueillant. Madame Morin, en bonne maîtresse de maison, réalisait chaque fois des prouesses culinaires dont certaines demeurent en notre mémoire.

Voici pour les faits. Que peut-on ajouter à ce qui a déjà été évoqué sur la personnalité de Jorj Morin? Sa discrétion, l’attention qu’il portait aux autres, émettant rarement un avis sur les réalisations de ses confrères. Attaché au travail, persévérant, allant jusqu’au bout de ce qu’il entreprenait. Il suffit pour s’en convaincre de voir la quantité impressionnante de ses réalisations dans les domaines de la peinture, du dessin, de la gravure, mais également dans celui de la tapisserie et de la mosaïque, sans oublier ses œuvres monumentales et son activité de graphiste publicitaire.

Au cours des réunions du bureau des Amis du Musée ou des membres d’Archipel, il intervenait toujours avec à-propos, ses remarques étant considérées avec attention.

Ce bref historique rappelle les relations que, mon épouse et moi, avons entretenues avec Jorj Morin.

Ce beau livre consacré à sa mémoire par ses enfants et le plus bel hommage qu’il pouvait recevoir. Que ces quelques notes en fasse partie est, pour nous, un réel plaisir".

(Texte de Jean Branchet inclus dans le livre)