BOLIVAR

 

 

 

Né en 1932 en Uruguay d'un père français et d'une mère indienne, Bolivar introduit dans son oeuvre les caractères dominants de ses deux origines, en une synthèse particulièrement aboutie. Rigueur, construction, équilibre, non dénués de fantaisie, d'imagination, du plaisir des jeux de formes et des espaces géométriques éclatés, tels sont les éléments hérités de son origine occidentale. Quant à sa mère, elle lui a transmis la tradition immémoriale des tonalités sourdes et chaudes des poteries, cuirs et tissus précolombiens: les couleurs de terre avec tous les ocres, les terres d'ombre, les rouges profonds réhaussés de bleus sourds, d'outremer et de noirs. Mais de son origine indienne Bolivar a également conservé le sens du sacré, une gravité hors du temps.

 

En Uruguay, Bolivar a suivi l'enseignement de Torrès-Garcia, fondateur avec Michel Seuphor, en 1929, de la revue Cercle et Carré. Il s'installe à Paris en 1963 où il rencontre un autre Uruguayen de la Capitale, Arden Quin, fondateur du groupe MADI en 1946, mouvement remettant en cause le traditionnel format rectangulaire. C'est dans cette ligne que se situent les créations de l'artiste qui ont été exposées en Uruguay, en France, en Espagne, en Italie...

 

A une époque où l'on veut mettre de plus en plus en avant le métissage des civilisations, Bolivar est certainement un exemple à suivre, car authentique, héréditairement reçu et transmis.

 

 

"... Les structures de Bolivar s'organisent en plans colorés selon un rythme hautement rigoureux. La noblesse des combinaisons, les nuances sourdes que réveillent des tons lumineux leur confèrent une atmosphère de gravité.

Toiles, aquarelles, bois assemblés, ne font référence qu'à eux-mêmes, en accord avec un esprit de modernité fondé sur l'évolution de nos codes visuels et de nos critères de jugement. Ces structures sont le fruit de l'exigence et d'une longue détermination sans exclure sa sensibilité imprégnée d'une mémoire sud-américaine..."

Claude Dorval (1991)

 

 

"... Ainsi, en Bolivar se conjuguent la tradition la plus moderne qui soit, celle de la peinture construite (dont Cézanne est l'ancêtre dans la peinture européenne "civilisée", celle du cubisme, du suprématisme et du constructivisme, celle aussi de ses compatriotes Torrès-Garcia et Arden Quin - et les impulsions de la création la plus instinctive. Je vois même dans la façon dont Bolivar distribue les unités colorées sur la surface de ses tableaux ou combine les formes quadrangulaires monochromes dans ses tableaux-objets, une gestualité semblable à celle de ses ancêtres assemblant en un tout harmonieux les éléments les plus divers pour tous les objets de l'environnement quotidien. Si dans le milieu parisien où se déroule l'oeuvre si cohérente et déjà si magistrale de Bolivar la fonctionnalité utilitariste des arts populaires n'a pas de raison d'être, en revanche chaque objet peint par lui a une fonction de pacification de tout l'être. Refusant toute gesticulation et agitation, l'oeuvre de Bolivar se recueille et nous appelle à une ascèse rigoureuse et sans complaisance de la vision."

Jean-Claude Marcadé (1989)